CFP Printemps 2026 "Sea More Blue : approches écopoétiques et interdisciplinaires des mers et des océans"
Co-éditeurs-trices invités-es:
Bertrand Guest, Université d’Angers,
Béné Meillon, Université d’Angers
Marie-Pierre Ramouche, Université de Perpignan Via Domitia
Depuis le tournant du XXIe siècle, les enjeux inhérents au changement climatique se sont avérés indissolubles des menaces qui pèsent sur les milieux côtiers et marins. Les scientifiques partout dans le monde ont mis en évidence combien le réchauffement planétaire est entremêlé avec les phénomènes d’élévation des températures et du niveau de la mer, avec l’acidification des océans, l’effondrement des populations halieutiques, le blanchissement des récifs coralliens et le nombre croissant d’espèces marines en voie d’extinction. Nous en sommes venu.e.s à reconnaître que l’avenir de la Terre, une planète bleue avant tout, et de tou.te.s ses habitant.e.s, a partie intimement liée avec le bleuissement des esprits. Dans le sillage du 10e congrès bi-annuel qui s’est tenu près de la Méditerranée, dans le Sud de la France, ce dossier spécial de la revue Ecozon@ rassemblera en un volume une sélection de textes sur la thématique de ce voir le monde en bleu. Impliquant des disciplines multiples, le projet Sea More Blue—au titre délibérément poétique et grammaticalement trouble—appelle à se départir de cadres théoriques et conceptuels à la fois anthropocentriques et enracinés dans la terre. L’objectif principal de ce projet transversal est de s’aventurer dans des dimensions de l’expérience et des savoirs largement inexplorées, afin de révéler et promouvoir des manières de percevoir le monde et de vivre plus bleues, permettant peut-être de répondre en partie à l’urgence de la situation. En s’engageant dans le récent "virage bleu" des sciences humaines et de l'écocritique, qui cherche à remédier au "trouble déficitaire de l'océan" diagnostiqué par Dan Brayton, ce volume vise à attirer l'attention sur les œuvres et les pratiques qui s'engagent dans les profondeurs insondables des écosystèmes marins et s'intéressent à leur situation critique actuelle. Pour mieux voir le monde en bleu et préserver la santé à long terme des océans et des mers, il nous faut puiser inspiration dans la créativité et la circulation exubérantes de la matière, des êtres et des récits, dans cette grande masse d’eau qui évolue de façon dynamique à travers le monde entier et depuis la naissance de notre Terre-Mère symbiotique.
Les océans et les mers ne connaissent pas de véritables frontières. Les océans et les mers sont reliés à la terre, aux bassins versants, aux rivières, aux nappes phréatiques et même au ciel, à la lune et au soleil. Les eaux marines fluctuent en fonction des phénomènes de variation atmosphérique, gravitationnelle et thermique qui régissent les marées, les courants, le temps et les cycles liant l'eau salée à l'eau douce, imbriquant ainsi les êtres humains et les formes de vie autres qu'humaines dans la grande toile bleu-vert de la vie. En puisant dans les courants bleus de la terre qui courent dans nos propres veines, il est grand temps de prendre conscience de la perméabilité et de la fluidité, de l'attraction et de la labilité de l'entremêlement des différentes catégories, domaines de recherche, épistémologies et productions culturelles qui ont été tracées jusqu'à présent dans le monde universitaire. Comme les frontières entre eux s'avèrent assez poreuses, en particulier du point de vue des sciences humaines et des arts écologiques, des universitaires et des scientifiques d'horizons divers ont commencé à reconnecter différents types de connaissances, s'attaquant ainsi à une multiplicité de prismes pour appréhender le monde vivant.
Pour étudier plus particulièrement les façons complexes, merveilleuses, mais aussi effrayantes, dont la substance et les formes marines sont animées, dotées d’agentivité et intriquées avec les activités, les corps et les récits des humains, ce numéro vise à promouvoir des approches bleues tressant l’écopoétique avec les humanités et les sciences. Ce volume se propose d’étudier les récits, les performances, les actions, les pratiques, les politiques et les productions artistiques qui participent d’une restauration des liens partiellement rompus entre formes de vie et milieux marins et terrestres. Seront particulièrement bienvenues les contributions portant sur des productions écopoét(h)iques (qu’elles soient contemporaines ou anciennes, et qu’il s’agisse de littérature, de cinéma, de roman graphique ou bande dessinée, de danse, de musique, de théâtre, de sculpture, de peinture, de photographie ou de jeux vidéo par exemple) qui déconstruisent et réinventent nos imaginaires et nos récits traitant du devenir de la mer et de l’humanité.
Nous invitons les universitaires souhaitant participer à penser et performer avec des êtres, des œuvres, des éléments et des lieux marins du grand large jusqu’au littoral. Les articles étudieront la valeur de l’ecopoïesis ancrée dans des lieux liminaux telles les lagunes et les zones côtières, qui forment des écotones, ou des zones de contact mi-terrestres, mi-aquatiques. On pourra éventuellement se pencher sur des rivières, des fleuves ou des bassins versants qui font déjà affluer une écopoétique bleue plus subtilement connectée aux mondes marins et qui nous intiment déjà des changements de paradigmes découlant de ces autres types d’écotones. Enfin, il pourrait s’avérer intéressant d’étudier des lieux liés à la mer dans une perspective plus diachronique, soit des endroits qui furent jadis submergés et dont l’eau s’est retirée au cours du temps, laissant derrière elle des traces d’une histoire ancienne et bleue qui nous invite à poser un regard radicalement différent sur des zones désertiques, des forêts ou des plaines à présent envisagées comme étant aux antipodes des milieux marins.
On pourra se focaliser sur des rencontres et des formes de communication interspécifiques susceptibles de vaincre l’aliénation dont souffrent les formes de vie et les milieux bleus. Cette aliénation tient en partie à notre manque de familiarité avec la mer et ses habitants, à leur apparence souvent étrange pour nous, à notre manque d’accessibilité à eux. Il pourra être utile de confronter des approches matérielles de l’évolution, de la constitution et de la dépendance des humains envers la mer avec les récits mythiques de mondes marins qui ont longtemps façonné notre perception, nos représentations et les façons de vivre des mammifères conteurs et terrestres que nous sommes. L’étude de groupes et de sous-cultures partageant un ensemble de pratiques, de récits et de valeurs liées à la mer pourrait par ailleurs aider à mieux cerner ce que d’aucun.e.s pourraient appeler des spiritualités bleues. Par ailleurs, les penseurs et penseuses qui travaillent avec les savoirs écologiques traditionnels (TEK an anglais) peuvent contribuer à une meilleure compréhension de la subtilité avec laquelle les récits, les pratiques et les rituels des peuples premiers sont bien souvent informés par une observation empirique qui ruisselle jusque dans leurs productions écopoétiques.
Parallèlement, les contributions auscultant le régime de vérité des productions écopoétiques en des termes permettant d’articuler des réalités écologiques, biologiques, géologiques et éthologiques seront particulièrement appréciées. Il sera notamment crucial de mettre en lumière les spécificités des paysages immergés. Ceux-ci sont à appréhender à l’aune de géographies sous-marines, en prêtant attention aux paysages sonores, olfactifs et haptiques qui génèrent des manières de percevoir, de se mouvoir et de communiquer proprement extra-terrestres et ainsi difficiles à saisir pour nous autres humains. On pourrait alors tenter de mesurer la profondeur des différentes dimensions par le truchement desquelles les expérimentations écopoétiques ont pour dessein de révéler des façons sous-marines d’habiter le monde. A l’inverse, on pourra également dévoiler comment certaines œuvres offrent au contraire des visions qui s’avèrent problématiques à la fois parce qu’elles sont sérieusement éloignées des réalités qui composent les mondes bleus, et parce qu’elles tendent à entretenir des illusions anthropocentriques qui vont encore dans le sens du désenchantement et de la surexploitation des ressources pourtant en quantités limitées.
L’une des questions centrales de ce volume portera sur le potentiel des arts pour créer des expériences immersives susceptibles d’augmenter, ou de réduire, notre capacité à voir et sentir de façon plus bleue. Nous entendons démontrer qu’un tel changement de paradigmes est plus susceptible d’advenir lorsque les arts et les humanités s’avèrent imprégnés par les sciences et vice versa. De façon tout aussi essentielle, cela semble également vrai lorsque les savoirs occidentaux se constituent en dialogue avec les savoirs traditionnels. En fin de compte, ce numéro thématique bleu d’Ecozon@ ambitionne de démontrer le rôle majeur qui revient à la littérature et aux arts pour faire évoluer les paradigmes éminemment terrestres élaborés en premier lieu par les humains pour explorer le monde.
Nous sollicitons des contributions en anglais, en français et en espagnol. Veuillez soumettre un résumé de 300 mots aux éditeurs et éditrices invité.e.s avant le 20 décembre 2024 (seamoreblue.easlce@gmail.com). Nous vous ferons part de nos commentaires sur votre proposition avant le 1er février 2025.
Les essais finaux pour la section des articles de recherche doivent compter entre 6 000 et 8 000 mots (y compris le résumé, les mots clés et la bibliographie). Les manuscrits complets doivent être remis le 1er juillet 2025 via le site web Ecozon@, qui fournit également un guide de style et des instructions pour la soumission des textes.